(3/3) Ateliers d’artistes, 10 ans de créativité, d’audace et d’actions pour les préserver

Premier article

Deuxième article

La menace sur la protection des ateliers se présente ailleurs

Au cours des années qui suivent, plusieurs regroupements d’ateliers d’artistes ailleurs à Montréal, se voient être fragilisés. La plupart du temps, ces concentration d’artistes se retrouvent dans une situation similaire à ce qu’a connu le Regroupement Pi2, soit d’être dans un nouveau quartier en vogue qui précipite des transactions immobilières sur les immeubles qui les ont vu évoluer.

C’est le cas notamment de l’ancienne usine Cadbury dans l’Est du Plateau qui regroupe plusieurs dizaines d’ateliers, du 305 Bellechasse dans la Petite-Patrie, des Ateliers Belleville dans le secteur Marconi-Alexandra (Mile-ex) et bien d’autres. Ces ateliers, s’ils sont vulnérables depuis plusieurs années, le sont davantage à partir de 2018, où des hausses importantes de loyers ou de changement de propriétaires ayant bien d’autres ambitions que de maintenir des ateliers, sonnant le glas pour le maintien de ces lieux créatifs.

Ils se regroupent dans une association du nom de NOS ATELIERS, ce nouveau groupe de pression a non seulement l’oreille d’élus du Plateau mais aussi d’autres arrondissements avec l’arrivée de Projet Montréal à la tête de la Ville. Quelques élue-s de notre administration à l’initiative de Christine Gosselin élue dans le Vieux-Rosemont et responsable de la culture au Comité exécutif de l’époque, rencontrons en janvier 2019 une délégation de Nos Ateliers en présence d’Ateliers Créatifs Montréal qui offre leur expertise et leur soutien pour la suite des choses. Le groupe Nos Ateliers, a l’oreille également des médias qui couvrent le nouveau mouvement des artistes.

Soutenus par Ateliers Créatifs, ces différents regroupements au sein de Nos Ateliers, tentent tant bien que mal de négocier des ententes avec leurs propriétaires. Démarche difficile, alors que les acteurs principaux ne peuvent mettre sur la table des leviers tel qu’un outil réglementaire et urbanistique comme celui utilisé lors des dossiers du Regroupement Pi2 de l’avenue de Gaspé ou du Bovril de l’avenue Van Horne.

Des dossiers en suspens qui remontent à la surface

Durant ce temps, dans le secteur St-Viateur du Mile End, se déroule une négociation entre la famille Rossdeutcher et Ateliers Créatifs Montréal. La famille propriétaire de Gestion Skyline inc. détienne les 3 immeubles industriels de l’avenue Casgrain entre les rues Maguire et St-Viateur. Ces immeubles qui sont touchés par la règlementation du Plateau Mont-Royal de mars 2012, sont bloqués dans l’attraction de grandes entreprises qui cognent de plus en plus à leurs portes pour installer leurs bureaux.

J’ai eu à plusieurs reprises au cours de mes 3 mandats à discuter avec la famille Rossdeutcher qui se plaignait qu’Allied de l’avenue de Gaspé avait eu un assouplissement grâce à leur entente sur les ateliers d’artistes. À la décharge de la famille, les coffres étant vide du côté du premier programme de création et maintien d’ateliers d’artistes, il devenait difficile pour ACM et Skyline d’aboutir à une entente. Mais les négociations entre la Ville et le gouvernement du Québec allant bon train pour une deuxième phase du programme, il devenait stratégique pour les parties de l’avenue Casgrain d’intensifier leurs négociations.

Le nouveau programme confirmé au tout début 2021 et un maintien d’une ligne dure de l’arrondissement concernant un non-assouplissement de la réglementation sans une entente négociée, aboutissent sur un autre gain majeur pour le secteur: soit la préservation d’une superficie de 115 000 pi2 d’ateliers d’artistes. Ce coup majeur permet d’intégrer plusieurs ateliers obligés de déménager d’endroits où ils sont vulnérables comme le 305 Bellechasse ou l’ancienne usine Cadbury.

Du côté d’Allied et du Regroupement Pi2 de l’avenue de Gaspé, dossier soutenu dans la gestion par ACM, il est grand temps de négocier une nouvelle entente sans laquelle, la situation pourrait aller de mal en pis à cause de l’endettement et de la hausse des taxes. Une rétrocession d’une partie de la superficie est négociée avec le propriétaire en échange de l’épongement de la dette de 1M$ en plus d’une entente d’usufruit.

La mise en place d’une entente d’usufruit avec le propriétaire est une piste de solution pour l’OBNL et est un autre élément novateur dans l’équation du maintien des ateliers d’artistes sur du long terme. Ce nouveau contexte donne un statut de propriétaire à l’organisme pour la durée du bail, ce qui permet au Regroupement Pi2 dans le cas de De Gaspé, de déposer des demandes d’allégement fiscaux à la Commission municipale du Québec. Au final, pas tous les ateliers bénéficieront de cet allègement, mais c’est un avancement pour éviter l’effet boomerang de la hausse des valeurs foncières pour les ateliers qui peuvent en bénéficier.

Des ententes d’usufruit sont également négociés ailleurs comme ça été le cas pour l’entente sur Casgrain. Cette démarche complexe à la Commission municipale du Québec, ne peut inclure tous les artistes car plusieurs conditions sont exigées, mais cela allègera néanmoins le compte de taxes à terme pour une partie d’entre eux.

Conclusion, de grands gains, mais encore une épine au pied

On l’a vu, le dossier de protections des ateliers d’artistes est le fruit de plusieurs acteurs de la société civile, au premier chef les artistes eux mêmes. Aussi, le bon vouloir d’entreprises-propriétaires, tout comme des gestes importants de pouvoirs publics que ce soit d’arrondissements, de la Ville ou du gouvernement du Québec, sont majeurs dans l’équation. Sans cette synergie il serait difficile de célébrer les grands pas effectués au cours de cette décennie dans la protection d’ateliers d’artistes sur du long terme dans les quartiers centraux.

Restera que dans plusieurs autres coins de la Ville, des ateliers d’artistes pourraient être mieux protégés. Ces ateliers ne sont pas à l’abris de l’attractivité offerte par ces nouveaux quartiers à Montréal, entrainant hausse des valeurs et des évictions. Les arrondissements dans leur règlementation d’urbanisme, la pérennisation de fonds à la Ville pour la rénovation/acquisition, des porteurs de dossiers capables de négocier et de s’entendre avec des propriétaires, sont sûrement les éléments clés de ces réussites.

Mais le dossier des taxes sur les ateliers d’artistes est resté en suspens et pourrait être un autre élément à mettre de l’avant pour soutenir cette préservation sur du long terme. Si les ententes d’usufruit entre OBNL et propriétaires ont pu calmer le jeu pour certains, il restera quand même aux décideurs de la Ville de se pencher sur une façon quelconque de travailler à la création d’une nouvelle catégorie de taxation (nouveau pouvoir que détient la Ville avec le statut de Métropole).

Une nouvelle catégorie en taxation, qui pourrait rapprocher par exemple un taux pour les ateliers (taux du commercial actuellement) de celui du résidentiel, amènerait sûrement un baume aux artistes n’ayant pas droit à une révision. Cette catégorie permettrait par exemple de distinguer dans le même immeuble des ateliers d’artistes d’avec les autres entreprises commerciales. Et tout indique qu’une telle initiative de l’administration n’amènerait que peu d’impact sur le budget. À suivre…

Richard Ryan, 19 mars 2022

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Références et couverture médiatique

Articles parus et encore disponibles aux lendemains du conseil d’arrondissement spécial où les élus du Plateau Mont-Royal ont voté le contrôle intérimaire du secteur de l’emploi du Mile End pour protéger les ateliers d’artistes.

Dossier de l’édifice Bovril (Parc/Van Horne). Décision des élus du Plateau d’imposer une condition de protection de 3 étages (15K pi2) d’ateliers sur 50 ans, en vue d’obtenir dérogation pour le propriétaire de l’immeuble. 

2021 : Dossier de Pi2 sur de Gaspé renégocié et nouveau dossier sur Casgrain totalisant 280K pi2 où le rôle des élus dans des modifications au règlement d’urbanisme couplé d’octroi de subvention du programme de protection des ateliers d’artistes de la Ville de Montréal ont eu un impact sur l’aboutissement des projets.

Autres couvertures et références.

2 réponses à “(3/3) Ateliers d’artistes, 10 ans de créativité, d’audace et d’actions pour les préserver”

  1. Un tel statut différencié pour les taxes foncières devrait également être accordé aux coopératives d’habitation et OSBL en habitation dont les membres ne peuvent se partager l’avoir immobilier de leurs édifices qui, dans les faits, sortent alors du marché spéculatif. C’est une demande présentée par la FHCQ (FECHIMM) depuis plusieurs années et qui constitue même une recommandation de la Commission des finances de la ville de Montréal. La mise en place d’une telle mesure permettrait de conserver des loyers abordables et de libérer des liquidités permettant de financer les travaux de rénovation pour ces bâtiments tout en préservant leur abordabilité.

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    • Merci Pierre-Alain pour ce commentaire. Le hic et sous toutes réserves, que j’y vois est au niveau des nouveaux pouvoirs accordés à la Métropole, qui peut créer une nouvelle catégorie sur un usage (zonage), mais ne pourrait différencier dans le même usage (résidentiel) selon le statut du propriétaire. Le résidentiel peut être différencié selon la grandeur de l’immeuble mais pas selon le type de propriétaire. La piste ici qui devrait être explorer serait plutôt de négocier avec Québec pour que la Commission municipale rentre dans ses critère de réévaluation de la valeur, le fait que le propriétaire (la coop et non ses occupants) ne peut vendre et empocher la valeur marchande comme si c’était un propriétaire individu ou entreprise privé à but lucratif.

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