AirBnB quand tu nous tiens…

Depuis le drame de l’incendie de la semaine dernière dans le Vieux-Montréal sur la Place d’Youville, j’ai été interpellé par plusieurs médias traditionnels et sociaux pour commenter ou expliquer la situation concernant l’hébergement touristique. Est-ce la faute de la Ville de Montréal ou celle du gouvernement du Québec? On semble en perdre son latin…

J’ai été dans mes années comme élu municipal à Montréal, porteur du dossier des résidences touristiques que m’avait confié la mairesse au cours du mandat 2017-2021. Mon rôle principal a été de consulter une douzaine d’acteurs clés et d’organisation et de faire des recommandations au nom de la Ville à la ministre du tourisme (Mme Julie Boulet du PLQ à l’époque). Mais même au cours des mandats précédents (2009-2017) comme élu du district Mile End sur le Plateau Mont-Royal, le dossier des résidences de tourisme était un sujet chaud et qui m’a beaucoup préoccupé par ses nuisances rapportées lors des conseils d’arrondissement, mais également par les pertes de logements reliées à cette activité illégale.  

Beaucoup de choses se sont dites sur le sujet depuis le drame de la semaine dernière. À savoir à qui la responsabilité concernant l’illégalité d’une exploitation de résidence de tourisme. Rappelons que l’arrondissement Ville-Marie en 2018 (tout comme Le Plateau et d’autres arrondissements) a réduit à peau de chagrin la possibilité de transformer légalement un logement régulier pour un usage de résidence de tourisme (de type commercial). Je spécifie ici le type commercial car pour une résidence principale, il est toujours possible (dans la plupart des territoires) d’aller chercher son enregistrement auprès des autorités provinciales, mais ce n’est pas le sujet ici.

Alors qui doit intervenir sur l’exploitation illégale d’une résidence de tourisme, Québec ou Montréal? Dans un tel cas, il y a double illégalité, soit en vertu du règlement d’urbanisme qui ne permet pas un tel usage dans la zone en question, mais également en vertu de la loi sur l’hébergement touristique puisque comme les appartements ne se situent pas dans la bonne zone, il est impossible pour le locateur de s’accréditer en vertu de la loi d’hébergement touristique provinciale, c’est la principale condition. 

Pour la question de zonage (l’usage de résidence de tourisme) c’est aux inspecteurs de l’arrondissement à faire respecter le règlement municipal, mais les mesures sont encadrées par la loi provinciale. Dans ce cas ci les inspecteurs, s’ ils réussissent à prouver l’illégalité, une amende ne peut dépasser 1000$ pour une première offense pour une personne physique et 2000$ pour une personne morale. C’est le double pour une récidive. On s’entend que dans le cas de profits qu’un locateur peut faire sur une plateforme comme AirBnB, c’est une vraie farce!

Et d’autant plus que l’inspecteur devra prouver qu’il s’agit bien du bon appartement avec la bonne annonce, rappelons qu’il n’y a pas d’adresse indiquée sur les plateformes, ni de photo de la façade de l’appartement. La meilleure preuve béton serait que l’inspecteur ou agent payé par l’arrondissement, aille lui-même séjourner et qu’il amène une preuve de transaction en cour. Bonjour la galère, pour à peine donner une tape sur les doigts du locateur qui loue illégalement.

Dans ce cas, l’activité est aussi illégale en vertu de la loi provinciale d’hébergement touristique qui prévoit des amendes allant jusqu’à 25000$ à une personne physique ou 50000$ à une personne morale. Jusqu’en 2018, c’était une équipe d’inspecteurs de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) qui étaient responsables de faire respecter la loi (C’est aussi la CITQ qui émet les permis/l’enregistrement).

Trouvant que les inspecteurs de la CITQ par leurs pouvoirs, étant peu efficaces, le gouvernement du Québec a délégué ces pouvoirs de coercition à Revenu Québec (juin 2018). Un peu comme du côté municipal, les inspecteurs de la CITQ, n’ayant pas force d’enquête sur les dossiers, arrivaient très mal à monter des preuves sans équivoque d’activité illégale. 

Ce changement de garde a été salué par la Ville de Montréal, car cela faisait partie des recommandations que nous avions fait à l’époque au gouvernement du Québec. Pour soutenir le travail de Revenu Québec, la Ville a aussi recommandé de mieux clarifier la catégorie de résidence principale (location occasionnelle chez soi) d’avec la location commerciale, soit la résidence de tourisme. Cette modification a également été faite l’année suivante et appliquée à partir du 1er mai 2020. La ministre du tourisme a aussi par la même occasion, imposé la publication sur toute annonce (ou babillard) le numéro d’enregistrement du lieu d’hébergement touristique, peu importe sa catégorie (résidence principale ou résidence touristique).

Une autre recommandation faite par la Ville au cours de cette période, a été d’ajouter des ressources en enquête et inspection à Revenu Québec dans une escouade spécialement dédiée à l’activité d’hébergement touristique. Malheureusement le ministre du Revenu, n’a jamais cru bon d’aller dans ce sens. Malgré les pressions de la Ville, de l’opposition et de différents groupes de la société civile. 

Il nous faut donc un drame, pour que tous et toutes nous nous réveillons! En consultant le site “Inside AirBnB”, on remarque qu’à Montréal en ce 21 mars 2023, il y a près de 14000 annonces sur la plateforme AIrBnB, 77% sont des logements entiers et que 92,5% n’ont aucun numéro d’enregistrement d’inscrit, malgré l’obligation dans la loi depuis le 1er mai 2020, il y a près de 3 ans.

Exploration du site Inside AirBnB du 21 mars 2023

J’écoutais hier la ministre du tourisme, dire qu’elle va resserrer les règles en obligeant d’inscrire le numéro d’enregistrement sur les annonces, mais c’est déjà le cas dans la loi, depuis 3 ans. Il a été question aussi, de modifier la loi pour obliger la plateforme d’éliminer toutes les fiches n’ayant pas de numéro, c’est une bonne proposition, évidemment si le gouvernement est prêt à aller au bout de cette démarche, tant au niveau législatif que juridique, puisqu’il sera très difficile de négocier avec la plateforme AirBnB. Mais rien n’Est impossible puisque d’autres juridictions ont agi dans ce sens.

D’autre part, le ministre des Finances et du Revenu, Éric Girard que nous entendions pour la première fois au sujet de l’activité illégale de AirBnB, dit qu’il verra comment l’équipe de Revenu Québec pourrait être plus efficace. Il serait peut-être intéressant qu’il revienne à la proposition faite depuis quelques années par la Ville de Montréal: d’ajouter des ressources à RQ tout en créant une escouade spécialement axée sur cette activité et qu’elle agisse! Des amendes jusqu’à 25000$ sont déjà prévues dans la loi, ça doit bien finir par avoir un impact. En autant qu’on en émette!

Richard Ryan

Consultant en habitation

Conseiller municipale de 2009 à 2021

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