Journal “d’un cancéreux” (3e partie)

Stop ou encore…

Je ne pouvais pas laisser partir le mois de novembre, sans mettre ma petite touche personnelle aux campagnes de movember et noeudvembre, puis revenir sur mon cancer de la prostate. 

Dans les deux premiers billets du journal d’un “cancéreux” au printemps dernier, j’abordais la fin abrupte de mon voyage de marche sur Compostelle en Espagne avec l’annonce par téléphone de mon urologue. Puis dans le 2e billet, le difficile dilemme des options de traitements. La prostatectomie (l’ablation de la prostate par intervention robotisée) aura eu le dessus sur les traitements de radiothérapie proposés. Espérant à ce moment-là que toute trace de de cancer soit confinée à l’intérieur de l’organe et que son retrait pourrait signifier sa fin.

7 juillet 2022 et le jour J, après quelques heures d’attente, on me prépare à entrer au bloc opératoire. L’impressionnante équipe (ils devaient bien être une quinzaine) s’affairait à préparer la salle pour me recevoir. Le gigantesque robot au milieu de la place, avec ses bras, m’attendait aussi. 

Dr. Lattouf d’un côté me salue et me fait signer quelques papiers, puis l’anesthésiste de l’autre côté, me tâtonne le bras avec son aiguille… 4, 3, 2, 1…. c’est parti!

Au réveil, je n’existais plus, je ne voulais que re-dormir, j’entendais des voix flotter autour de moi sans que je puisse réagir. On m’a amené à ma chambre, où m’attendait ma douce, qui ne m’a sûrement pas trouvé très entreprenant… 4, 3, 2, 1… c’est reparti. Avec une série de réveil-rendort, je n’ai pas trop de souvenirs de cette soirée post-opératoire. Ce n’est que le lendemain, en regardant par la fenêtre avec vue sur la tour de l’horloge, la biosphère de l’île Ste-Hélène et le fleuve, que je me suis demandé si je n’étais pas dans une chambre d’hôtel. Ça devait être du bon “stock” en intra-veineuse! 

Chambre avec vue

Avec mon amoureuse, nous attendions mon autorisation de sortie avec les consignes pour les jours suivants, quand tout à coup la radio-oncologue Dre Lambert s’est pointée le nez. Alors que je n’étais pas son patient, sa visite surprise nous a vraiment fait chaud au cœur à Mélie et moi. Elle se demandait comment avait été l’opération et elle m’offrait de la contacter pour tout questionnement. 

Ce sont les jours qui ont suivi qui ont été moins drôles. La prostate retirée, on a rebranché l’urètre sectionné à la vessie. J’ai donc dû avoir une sonde durant cette période, le temps que le canal cicatrise. La douleur, l’inquiétude que le tout se débranche, que ça saigne, la honte quand l’urine ne prenait pas le chemin de la sonde et débordait sur moi sans contrôle. Je me suis senti petit et humilié… Mais tout ça a pris fin 11 jours plus tard par un beau lundi matin, avec le retrait de la sonde par une infirmière du CLSC. 

Pour ce qui est des mini cicatrices laissées par les différentes incisions nécessaires pour les bras du robot opératoire, j’ai été étonné de constater leur guérison rapide. 

Le suivi d’un cancer de la prostate se fait par prises de sang. Bien qu’il n’y ait plus de prostate pour la produire, on examine le taux de l’antigène prostatique spécifique (APS). Avec l’ablation de la prostate et la fin de la production de la protéine, le taux d’APS devrait normalement descendre à zéro après 6-7 semaines. 

Sinon… c’est le signal d’une présence de cellules cancéreuses qui auraient pris la fuite de l’organe avant l’opération et qui continuent de se diviser. Au cours de l’été, alors que je tente tant bien que mal ma rééducation des fonctions urinaires et érectiles, le cap est sur la prochaine étape, une prise de sang en septembre pour réévaluer le taux d’APS.  

9 semaines  après l’opération, je me rends au CHUM pour une prise de sang en me croisant les doigts. Bien que la requête venait de mon chirurgien-urologue, j’informe Dre Lambert (la radio-oncologue) de ce rendez-vous. 

C’est lundi 27 septembre, que Dr Lattouf m’appelle pour m’annoncer que le taux d’APS était de 0,11. Un taux marginal, par rapport au dernier prélèvement pré-opératoire (et pré biopsie) qui le mettait à 5,62, mais malheureusement, il n’était pas à zéro. 

Triste nouvelle. Il me recommandait d’attendre quelques temps (quelques mois?), pour reprendre un autre prélèvement, une erreur de laboratoire aurait pu survenir ou encore, dans de rares cas, un taux d’APS qui prendrait un peu plus de temps à être éliminé. 

Dre Lambert, qui a également eu accès au résultat, me contacte quelques jours plus tard pour m’expliquer la suite des choses qui devrait débuter, effectivement, par un nouveau prélèvement sanguin. Je retourne donc le 27 octobre au CHUM pour ce prélèvement, avec en tête la possibilité de replonger dans des traitements pour le cancer. L’angoisse est palpable dans cette période. Si les automnes ont toujours été un peu difficiles pour moi, la pensée à un retour à la case zéro du cancer m’a assurément plongé à quelques moments dans une déprime au cours des dernières semaines. 

Ma réactivation professionnelle en septembre comme consultant en habitation, après quelques mois de pause avec la fin de ma vie politique, a été salvatrice psychologiquement. La participation à des événements, discussions et réflexions autour de cet enjeu afin de régler la crise du logement, m’ont aidé à rester actif et à calmer cette anxiété. Les quelques mandats qui m’ont été octroyés depuis m’aident à garder le cap sur la vie et ne pas me laisser abattre par les étapes qui restent à passer pour mettre K.O. ce satané cancer. 

Animation d'une marche dans le Mile End avec un groupe du cours de géographie urbaine de l'UQAM sur la transformation des quartiers

C’est Dre Lambert qui m’a appelé pour m’annoncer que le taux d’APS était passé de 0,11 à 0,18 en 1 mois… oui, les cellules cancéreuses se divisent bel et bien dans mon corps. Toujours un taux marginal mais il n’y a plus de doute. Une 3e prise 2 semaines plus tard à ma demande, viendra re-confirmer ce constat avec un taux de 0,19. 

J’étais à Québec pour un séjour de travail. La tristesse m’a envahie. Dur à prendre avec un tel élan professionnel qui commence à donner des résultats, non seulement en mandats, mais en satisfaction à me sentir à la bonne place et de pouvoir contribuer à ma façon sur l’enjeu complexe qu’est l’habitation, avec mes connaissances, mes contacts et mon expérience. 

Dre Lambert m’explique la suite. Elle a été formidable depuis le début, alors que je n’étais pas son patient.  Il est  évident que la seule pensée positive que j’ai à  ce moment, c’est que si je dois faire de la radiothérapie, ça sera sous sa gouverne! Elle me donne un rendez-vous. Le 3e et le 4e sous-sol du CHUM et le département de radio-oncologie sera ma 2e maison pour un certain temps. 

Les explications de Dre Lambert sont claires: je devrai jumeler à mes séances de radiothérapie (33 séances), un traitement en hormonothérapie à commencer 2 semaines avant le début des séances de radio. 

L’hormonothérapie est une autre onde de choc, vu les impacts que ce traitement peut avoir sur mon corps, ma libido, mon estime… Mais nécessaire pour bloquer la production de testostérone alimentant les cellules cancéreuses qui prennent leur source à partir de la prostate.

Oui, je devrai bouger et me motiver à faire de la musculation, car l’impact sur les muscles et les os est incontestable, bien qu’à différents degré d’une personne à l’autre. Les suppléments en calcium (1000 mg/jour), la vitamine D (20 000ui/sem) et me faire plaisir durant les 3 prochains mois me sont prescrits, pour passer à travers cette nouvelle étape de mon périple. La marche continuera, comme c’est le cas présentement, d’être un élément de guérison physique et mentale…

Dre Lambert me rassure, il y aura sûrement de la fatigue, mais pas assez pour mettre fin à mon élan professionnel, d’autant plus qu’il est un baume dans cette nouvelle aventure. Je devrai bien sûr me rendre 5 jours par semaine au CHUM, mais les séances ne dureront que 20 minutes chaque fois. Trois objectifs compléteront le reste de ces journées: dormir, faire de l’exercice et continuer mon activité professionnelle, avec une certaine limite bien sûr selon mon état. L’équilibre sera mon nouveau mantra!

Évidemment, plus j’absorbais ces nouvelles durant cet automne, plus je me disais: “mais qu’est ce que je fais avec ma vie professionnelle?”  Elle ne peut pas foutre le camp, puisqu’elle fait partie des instants de bonheur dont j’aurai besoin. D’autant plus que je m’amuse comme un petit fou dans ce nouveau rôle. Bien sûr, il y a également une question financière, mais se sentir vivant et utile est primordial pour l’instant. Je devrai trouver du temps à me donner du temps, et vivre au rythme de ce que les jours me dicteront.

Aujourd’hui, mercredi 30 novembre, je passerai un scan au CHUM et me ferai tatouer les endroits qui orienteront  les rayons radio-actifs vers la zone à traiter. Les séances devraient commencer à la mi-décembre, 33 séances à raison de 5/semaine. Une première médication en hormonothérapie est déjà commencée et l’injection se fera demain jeudi, un traitement qui durera 3 mois, que Dre Lambert me conseille de renouveler une 2e fois, (on verra dans 3 mois après la radio, si je renouvellerai l’hormonothérapie, je devrai en rediscuter avec elle)… 

Cette semaine, c’est donc une autre étape pour la guérison qui commence, j’ai été très résilient pour les premières, avec l’aide et l’amour de mes proches, je comprends mieux la nécessité de ne pas être seul dans un tel voyage (Merci Mélie!). S’il y a eu tristesse, colère et déprime au cours de ces dernières semaines qui m’ont rappelé que la bibitte était encore là, la résilience et maintenant un passage vers l’action pour une guérison se fait de nouveau sentir. Le simple fait de pouvoir écrire la suite de ce journal, reste déjà une partie du remède dans mon cas. Me permettant de mieux regarder l’horizon et faire des projets pour 2023.

La vie continue…

Stop ou encore? C’est reparti!  Et si ça va trop mal, je pourrai toujours jouer la carte cancer

Un balado à écouter, si vous ne savez pas trop comment réagir face au cancer (le vôtre ou celui des autres). Et les hommes inquiets qui ont 50 ans et plus, c’est une bonne idée que d’aller passer régulièrement le test d’APS, plus c’est décelé tôt, moins de chance on laisse le cancer se propager. À bientôt!

Richard Ryan

30 novembre 2022

12 réponses à “Journal “d’un cancéreux” (3e partie)”

  1. Richard. Je suis AVEC toi en pensées et en énergies… Tes inquiétudes, ta peur, tes questionnements, l’endroit où tu puises ta force… Te lire me fais prendre conscience de la VIE, de la « précieuseté » de la VIE et de l’importance d’être là, »groundé », centré. Je te reçois 10/10.

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  2. Salut Richard, quel marathon! Bravo pour ta résilience et courage! J’ai un ami qui est passé par là… et ça fait déjà 10 ans de ça et il va bien! espoir alors! 😉 Merci de ton journal!Mon amoureux a justement enfin un rendez-vous avec un médecin aujourd’hui (il n’a pas de médecin de famille) pour un examen général. Depuis ton premier volet de journal, je lui ai fait un brin de pression pour qu’il tente d’obtenir un rendez-vous (il a 54 ans et la possibilité d’un cancer de la prostate l’inquiète). Je t’envoie de belles pensées d’amitié et d’énergie pour la suite… Je t’embrasse. Jo xx

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  3. J’aime bien lire ton parcours comme tous tes écrits cher Richard!
    Je continuerai de le faire tant qu’il y en aura!
    Que ton parcours soit des plus doux possibles

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  4. Cher Richard,

    Merci de ce partage. Ça me permet de prendre des nouvelles d’un ami et ça c’est important. Je t’envoie des énergies de guérison à travers les ondes astral et te souhaite un bon sommeil dans les semaine à suivre. À très bientôt.

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  5. […] Dans les trois premiers épisodes du journal d’un “cancéreux”, j’ai d’abord parlé dans le premier billet du début de cette aventure et de la fin abrupte de mon voyage de marche sur Compostelle en Espagne par l’appel de mon urologue. Puis dans le second, le difficile dilemme des options de traitements. La prostatectomie (l’ablation de la prostate par intervention robotisée) aura eu le dessus sur les traitements de radiothérapie proposés. La période post-opératoire racontée dans le 3e billet était remplie d’espoir jusqu’au jour de la mauvaise nouvelle d’une présence (encore) de cellules cancéreuses que je croyais éliminées. Stop ou encore? Pas le choix de continuer, par une décision de poursuivre en traitement d’hormonothérapie par injection avec 33 séance… […]

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